Ulysse sans terre

Ulysse sans terre

Opéra contemporain d’Orlando Forioso à partir du mythe d’Ulysse et de l’œuvre d’Homère

Musiques originales composées par Jean-Claude Acquaviva

Traduction en français : Dominique Bianconi

Traduction en corse : Jean-Claude Acquaviva et Stéphane Serra

Création : 22 décembre 2017, Théâtre Municipal de Bastia (avec Jean-Philippe Ricci et Marie-Pierre Nouveau)

Version Ajaccio : 9 avril 2019, Ajaccio Espace Diamant ( avec Cédric Appietto, Lauriane Goyet, Lorenzo Spadoni )

Présentation du projet : 14 septembre 2017, Calvi – Chez Tao – Rencontres de chants Polyphoniques de Calvi

Version concert : 12 septembre 2018, Calvi – Cathédrale- Rencontres de chants Polyphoniques de Calvi avec Orlando Forioso)

Avec :

SUR SCENE

ULYSSE – Jean-Philippe Ricci (à Bastia), Cédric Appietto (à Ajaccio)

PENELOPE – Fadia Tomb El-Hage

HECUBE / CIRCE – Marie-Pierre Nouveau (à Bastia), Lauriane Goyet (à Ajaccio)

HERMIONE / CALYPSO : Diana Saliceti

CASSANDRE / NAUSICAA – Lea Antona

TELEMAQUE : Lorenzo Spadoni (à Ajaccio)

LES GUERRIERS / LES PRETENDANTS / LES AEDES / LES DIEUX – A FILETTA, Jean-Claude Acquaviva, François Aragni, Petr’Antò Casta, Paul Giansily, Stéphane Serra, Maxime Vuillamier

VOIX OFF

HOMERE : François Canava

LE CYCLOPE : Robert Archiapati

ZEUS : Henri Olmeta

POSEIDON : Daniel Delorme

HERMES / TELEMAQUE : Thomas Bronzini

ATHENA : Marie-Pierre Nouveau

LES SIRENES, CHANT : Fadia Tomb El Hage, Lea Antona, Diana Saliceti

LES SIRENES, VOIX : Lauriane Goyet

EN VIDEO

HOMERE : Christophe Mac Daniel

LE CYCLOPE : Robert Archiapati / Silvio Siciliano

IMAGES VIDEO : Antoine Mac Daniel

IMAGES ET PHOTOS : Silvio Siciliano

MONTAGE VIDEO : Cédric Cossec et Silvio Siciliano

PRISE DE SON VOIX OFF : Anouar Benali – Bon Son et Studio Gecko

SON : Jacques Fach, Jérémy Fach

COSTUMES : Sartoria Piazza Mazzini 82 – Pescia, Atelier Capricci di Carnevale – Livorno, Mireille Boucher, Marie-Line Cardi, Dominique Guidoni

ORGANISATION : Valérie Salducci

ADMINISTRATION : Patricia Goyet

MISE EN SCENE : Orlando Forioso

METTEUR EN SCENE ADJOINTE : Lauriane Goyet

 PRODUCTION : TeatrEuropa. Avec le soutien de : Collectivité de Corse – Mairie de Bastia – Bastia Cultura – Spedidam – Corsica Ferries

Spectacle en résidence au Théâtre de Bastia

De Troie à Ithaque, long est le voyage : long dans le temps et dans l’espace…

Et si l’on s’attarde aux rivages de la littérature ou de la poésie, où Ulysse a fait escale, le voyage devient encore plus sinueux. Car ils ont été nombreux, écrivains, dramaturges, poètes ou philosophes, à avoir mis leurs pas dans ceux du héros d’Homère : de Sophocle à Joyce, en passant par Platon, Virgile ou plus près de nous, Giraudoux, Giono, ou Kazantzakis, tous ont approché, contourné, emprunté, plus que les routes d’Ulysse, les voies, parfois les voix pourrait-on dire, de l’intrigant protagoniste de l’Odyssée.

Alors, Ulysse ? Un héros ? Un guerrier ? Un assassin ? Un hâbleur ? L’homme de toutes les ruses et de toutes les femmes ? Ou…un migrant ?

Laissons Orlando Forioso répondre  à ces questions :

« Notre Ulysse, nous essayons de le lire comme un homme qui, à partir de la violence et du carnage de la Guerre de Troie, initie un parcours pour se recomposer, pour se retrouver, pour s’alléger du poids du sang et de la trahison.

Le temps est l’un des personnages principaux de notre spectacle.

Dix ans de Guerre de Troie et dix ans de naufrage, à la merci de soi-même, ne sont pas seulement un temps narratif, mais aussi la dimension avec laquelle vérifier les rapports, les relations, la croissance, l’abandon, les décisions sur le faire et sur le non-faire.

Il n’est pas question ici, de réécrire l’Odyssée, mais de cueillir une « émotion Ulysse », un parcours psychologique et émotionnel, auquel faisait allusion Kavafis, dans sa poésie « Ithaque » : Si tu veux revenir à Ithaque/fais que ton voyage soit le plus long possible. »

Les Aèdes chantaient et racontaient des histoires.

Dans le spectacle, nous nous approprions comme d’un trésor, cette forme de langage, et nous retournons à la tragédie grecque avec les moyens, les langues et les langages du spectacle d’aujourd’hui.

Si les mots appartiennent au règne de la raison, le chant appartient à l’être le plus enfoui en nous-mêmes, et c’est bien à la recherche de cet être que nous partons dans cette aventure.

C’est pourquoi, le choix des partenaires de ce voyage est un élément essentiel du voyage même.

Faire appel à A Filetta signifie entrer dans cette mémoire du futur, qui correspond à toute la ligne directrice du projet.

Aux chanteurs, aux compositions de Jean-Claude Acquaviva, je peux demander la délicatesse et la force d’architectures polyphoniques complexes et antiques à la fois, narratives et en même temps, émotionnellement percutantes.

A eux se joindront : la mezzo-soprano libanaise Fadia Tomb El-Hage (Pénélope), deux jeunes chanteuses corses : Diana Saliceti (Calypso) et Lea Antona (Nausicaa) ; une comédienne, Marie-Pierre Nouveau (Circé), et dans le rôle-titre : Jean-Philippe Ricci. La Méditerranée se recompose, en un creuset de langues : arabe, corse, italien et français.

Pénélope, mais aussi Calypso, Nausicaa et Circé : l’errance d’Ulysse est jalonnée de personnages féminins, comme s’il les appelait à lui, comme si, sans ces différentes femmes (Pénélope comprise) Ulysse ne pouvait exister.

Mais ces femmes, ne devons-nous les considérer que comme instrument de son voyage ou de sa purification ? Ulysse est là parce que les femmes y sont. Mais les femmes continuent à être là, même quand Ulysse s’enfuit.

Circé magicienne, Circé sorcière, Circé mangeuse d’hommes, nymphomane historique….Elle qui sait encore comment on peut descendre dans l’Hadès pour rencontrer les morts, tombe sous le charme du grec, et devient une gentille femme disponible…Même une chamane reste une femme, qui rêve du quotidien.

Calypso, elle, offre à Ulysse sept ans de calme, de paix , de trêve, et s’il le veut toute l’éternité : une cabane et deux cœurs, pour toujours.

Nausicaa enfin, offre l’image à laquelle notre expérience contemporaine est sensible : elle accueille l’étranger. Paisiblement, avec douceur, elle l’emmène chez elle. Ulysse ne sait plus que faire de son être bestial d’homme violent et de guerrier, et il devient lui-même narrateur, aède : Ulysse devient Homère par la grâce de cette enfant.

Et Pénélope ? Elle est la femme qui rythme le temps, et qui est rythmée par lui. Elle a passé vingt ans dans sa maison/prison, à penser, réfléchir, espérer, repousser les assauts des prétendants. Ces vingt ans écoulés, la peur l’accompagne : qui revient à la maison ? Un vieux ? Un estropié ? Plus sûrement, un étranger.

Le voici notre Ulysse. Une œuvre contemporaine, seulement vocale, parce que c’est la voix qui a porté jusqu’à nous, cette machine du temps qu’est l’Odyssée. Parce que c’est la voix de l’être humain qui raconte à l’infini ce que nous sommes, nous, êtres fragiles, perdus dans l’espace et le temps. »

Laissons le dernier mot à la poésie, à la voix d’A Filetta :

A tarra, u spaziu, u celu…

Cerchi sempre un segnu d’Itaca.

In altu mare ogni cima hè una speranza.

Chì mondu ghjacerà al di là di stu mare     

Ma ogni mar’hà batticcia

Ed hè custindi ch’omu sbarcherà

è u vascellu và è nunda ci pò fà

Mughji ordini impussibili

Tutt’ognunu sà

Chì n’ùn ghjov’à nunda

Ma e bugie calmanu e paure

Note d’intention par Orlando Forioso

Ulysse est-il un guerrier?  Un héros?  Un assassin? Ulysse est-il…un migrant?

Certes, le personnage inventé par Homère, ou par d’anonymes aèdes grecs, nous accompagne depuis des millénaires, et des milliers de générations et de cultures, ont eu la possibilité de le découvrir, et de se le réapproprier, selon des besoins politiques, littéraires, sociaux et psychologiques, propres à leur époque.

Et aujourd’hui? Peter Brook disait: “il faut voir les classiques avec des yeux contemporains, et les contemporains avec les yeux des classiques.”

C’est pourquoi, notre Ulysse, nous essayons aujourd’hui, de le lire comme un homme qui, à partir de la violence et du carnage de la Guerre de Troie, initie un parcours pour se recomposer, pour se retrouver, pour s’alléger du  poids du sang et de la trahison.

Le Temps est l’un des protagonistes de notre spectacle.

 Dix ans de Guerre de Troie, et dix ans de naufrage, à la merci de soi-même, ne sont pas seulement un temps narratif, mais aussi la dimension avec laquelle vérifier les rapports, les relations, la croissance, l’abandon, les décisions sur le faire et sur le non-faire.

Il n’est pas question ici, de réécrire l’Odyssée, mais de cueillir une “émotion Ulysse”, un parcours psychologique et émotionnel auquel Kavafis faisait allusion, dans sa poésie “Ithaque”: “Si tu veux revenir à Ithaque/ fais que ton voyage soit le plus long possible…” 

Dans l’Odyssée, les protagonistes sont deux, Ulysse et Pénélope: Homme/Femme, Mari/Femme, Trahison/Attente, Amour/Chasteté, Danger/Danger.

Réduire leurs rapports à ces binômes, est ce qu’induit l’oeuvre littéraire, mais pouvons-nous aller au-delà? Pouvons-nous tenter d’avoir un parcours humaniste pour Lui, multiforme et labyrinthique pour Elle?

 A la lecture de l’oeuvre, on pourrait penser le contraire, mais les dangers et les vicissitudes auxquels est confronté Ulysse, n’en sont pas moins des doutes et des questions qu’elle se pose, Elle, y compris face aux pressantes et violentes sollicitations de cette espèce de Choeur grec, que forment les Prétendants.

Les Aèdes chantaient et racontaient les histoires, et dans le spectacle, nous nous approprions comme d’un trésor,  cette forme de langage, et nous retournons à la Tragédie grecque avec les moyens, les langues, les langages du spectacle d’aujourd’hui.

Acteurs, actrices, chanteurs, choeur, danseurs, images, voix enregistrées, langues diverses se mêlent, non pour créer une nouvelle Babel, mais pour  arriver autant que possible à “chanter et raconter un Ulysse bien à nous.”

Si les mots appartiennent au règne de la raison, le chant appartient à l’être le plus enfoui en nous-mêmes, et c’est bien à la recherche de cet être que nous partons dans cette aventure.

Le choix des partenaires de ce voyage est un élément essantiel du voyage même.

Faire appel à A Filetta, l’un des groupes corses de chants polyphoniques, les plus créatifs et les plus audacieux, signifie entrer dans cette mémoire du futur qui correspond à toute la ligne direcrice du projet.

 Vivre dans la chant, une langue, une culture, est une richesse qui, une fois sur scène,  donne à l’ensemble du projet, une dimension spirituelle et humaine.

Aux chanteurs, aux compositions de Jean-Claude Acquaviva, je peux demander  la délicatesse et la force d’architectures polyphoniques complexes et antiques  à la fois, narratives et en même temps, émotionnellement percutantes..

A eux se joindront, une chanteuse libanaise, une chanteuse corse, une actrice italienne, une jeune actrice française, et un Ulysse, acteur français.. La Méditerranée d’Homère se recompose.

De la narration antique, j’ai gardé le passage entre l’Illiade et l’Odyssée (le cheval de Troie et le massacre des troyens), et certaines rencontres qui sont contenues dans le corps de l’épopée: les Sirènes, Circé, le Cyclope, Calypso, Nausicaa…

A part le Cyclope, l’errance d’Ulysse est constellée surtout de personnages féminins, comme si lui-même les appelait à lui, comme si, sans ces différentes femmes (Pénélope comprise), Ulysse ne pouvait exister.

Même dans le monde de la Grèce archaïque, le récit ne pouvait pas se faire sans l’élément sensuel, érotique, magique, immortel, familier et quotidien, qui correspond aux “Femmes d’Ulysse”.

Chacune d’entre elles, disent les essais, représente une partie de l’âme féminine. Serions-nous aussi manichéens aujourd’hui? Pouvons-nous encore, penser à Pénélope comme à la chaste épouse qui tisse et  repousse et soupire pendant vingt ans de sa vie? N’a-t-elle pas, elle aussi, une sensualité, un érotisme, une tête pensante?

Le naufrage d’Ulysse a quelque chose de fellinien, qui s’apparente à “la Cité des femmes”, mais pouvons-nous, aujourd’hui, avoir seulement le point de vue de l’Homme?  Ne devons-nous penser aux Femmes que comme instrument de son voyage et de son errance, ou de sa purification? Ulysse est là parce que les femmes y sont. Mais les femmes continuent à être là même quand Ulysse s’enfuit.

Circé magicienne, Circé sorcière, Circé mangeuse d’hommes, nymphomane historique…Déjà Homère la remplit de contradictions. Circé tombe sous le charme du Grec, et devient une gentille petite femme disponible qui pourtant, sait encore comment on peut descendre dans l’Hadès, pour rencontrer les morts. Même une chamane reste une femme, qui rêve du quotidien.

Calypso offre à Ulysse sept ans de calme, de paix, de trêve et, s’il le veut, toute l’éternité ensemble: une cabane et deux coeurs, pour toujours.

 Nausicaa est jeune, elle joue au ballon avec ses amies après avoir étendu le linge, au pays des Phéaciens, au bout du bout du monde. Elle devrait être terrorisée par le Sauvage, par l’Etranger qui surgit devant elle, elle devrait s’enfuir comme font ses servantes, et au contraire, elle contredit le stéréotype, et reste là, face à ce tas de nudité, de sable, de terre, de sel. Elle est sous le charme?  Elle espère autre chose? Ce qui est sûr, c’est qu’elle offre l’image à laquelle notre contemporanéité est sensible: elle accueille l’étranger. Sereinement, avec douceur, elle l’emmène chez elle. Ulysse ne sait plus que faire de son être bestial, d’homme violent, de guerrier,  et il devient lui-même narrateur, aède: Ulysse devient Homère par la grâce de cette enfant.

La tridimensionalité de ces personnages est aussi l’un des objectifs de notre projet: Au théâtre, dès lors qu’un personnage se contredit, il cesse d’être une figurine de service,  pour devenir un corps, une voix, une âme, un vécu, un protagoniste. Nous voici donc ici, prêts à souligner les contradictions des Sirènes tentatrices, qui rappellent tant ces publicités mensongères, dans lesquelles tout le monde est parfait, sans rides, sans cellulite, avec des dents splendides, des voix suaves, un discours carré. Au début de l’immigration en Italie, après 1989, je me souviens qu’arrivaient des bateaux archi-pleins de jeunes hommes, qui débarquaient , rêvant de rencontrer des femmes nues et sexy, provocantes et disponibles, comme celles que l’on voyait sur les chaînes de télévision de Berlusconi, diffusées en Albanie.

Enfin, Pénélope, la femme qui rythme et est rythmée par le temps. Elle, dans sa maison/prison d’Ithaque, a passé ses journées penser, à réfléchir, à espérer. Au bout des dix premières dix années, il lui reste encore une lueur de souvenir de son mari, et avec celle-ci, le désir de croire au retour du mari. Vingt ans plus tard, la peur l’accompagne: qui revient à la maison? Un vieux? Un estropié? Plus sûrement, un étranger.

Le voici, notre Ulysse. Une oeuvre contemporaine, seulement vocale, parce que c’est la voix qui a porté jusqu’à nous, cette machine du temps qu’est l’Odyssée. Parce que c’est la voix de l’être humain qui raconte à l’infini, ce que nous sommes, nous, êtres fragiles perdus dans l’espace et le temps. 

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