A casa di Letizia | La maison de Bonaparte
Premier épisode théâtral du projet d’Orlando Forioso « Les Bonaparte, une famille corse ». Conseiller scientifique Jean-Marc Olivesi
Création le 12 juin 2012, dans le Jardin de la Maison Bonaparte à Ajaccio, dans le cadre du projet européen BONESPRIT ou « Bonaparte ou de l’Esprit Innovant » .
Avec:
Letizia Ramolino Bonaparte – Marie-Paule Franceschetti
Elisa Bonaparte Baciocchi – Maryline Leonetti
Musique Wolfgang Amadeus Mozart
Costumes René-Marie Acquaviva
Photos Silvio Siciliano
Graphic : Enrico Anzuini
Mise en scène Orlando Forioso
Une production TeatrEuropa de Corse. En co-production avec la Ville d’Ajaccio, la Maison Bonaparte – Ajaccio, le SCN Malmaison – Paris.Avec le soutien de la Collectivité de Corse
Ajaccio – Jardin de la Maison Buonaparte. – Quand tout est fini.
« C’est à ma mère que je dois ma fortune et tout ce que j’ai fait de bien ». Napoléon Bonaparte.
Maria Letizia Ramolino Bonaparte, la femme corse qui comptera parmi ses enfants un empereur, quatre rois, une reine, un prince et deux princesses, retourne dans sa maison d’Ajaccio. Elle n’est pas seule ; elle est accompagnée d’Elisa, sa fille adorée. Malgré les interdictions, malgré les bannissements, elles sont là. Toutes deux ont sillonné la Méditerranée, l’une a gouverné Lucca et la Toscane, l’autre, en secret, a veillé sur le destin de ses enfants : dans le bien comme dans le mal, Madame Mère était là. Privée de son île, Letizia a porté la Corse en elle, dans sa chair, dans sa façon d’être, dans ses actions, dans ses refus et dans ses acceptations. Porte-drapeau des dernières journées de Pascal Paoli en Corse, présente à Ponte-Novu, bien qu’enceinte de Napoléon, elle n’avait plus mis les pieds en Corse depuis très longtemps, depuis trop longtemps.
La défaite consommée, dans l’obscurité des grottes de Monte Rotondu, elle dira de son fils : « Il sera le vengeur de la Corse“.
Les mères veulent toujours le bien de leurs enfants, mais l’Histoire a toujours d’autres idées. Cette « merveilleuse » jeune femme, née à Ajaccio durant le « printemps corse », et morte à 86 ans, du temps de la restauration du Pape Roi, a allègrement franchi les siècles, et quels siècles !
Un privilège que son mari Charles-Marie n’aura pas eu, pas plus qu’il n’aura eu celui de mourir dans sa maison ; cette maison, dont elle peine à franchir le seuil aujourd’hui. Aucun de ses fils n’est mort là : sa maison n’est pas un cimetière, elle est juste une ruine pleine de silence.
On n’entend ni les cris et les courses de Jérôme ou de Pauline, ni les fugues du petit Napoléon vers la cabane sur la terrasse, pas plus que la fuite d’Ajaccio de toute la famille…Tout est passé.
Il ne reste plus que le silence dans lequel se sont enchâsse des rêves jamais rêvés, dans lequel s’est projeté le monde.
Aujourd’hui, elle ne reconnaît plus ce jardin – Il n’y était pas avant ! Est-ce un effet de la vieillesse ? Dans tous les cas, je ne m’en souviens pas…- mais cela ne lui déplaît pas.
Elle a toujours rêvé d’un jardin devant la maison pour épuiser l’énergie de ses enfants, parmi lesquels sa fille préférée Maria Anna – Elisa, maman, Elisa ! Après tout ce temps, tu m‘appelles encore sous mon nom d’enfant- -Je ne sais pas qui est Elisa, mais Maria Anna oui ! –
En attendant de rentrer dans la maison, les deux femmes évoquent la petite histoire, faite de brefs souvenirs, et la grande Histoire vue à travers les yeux de deux protagonistes, et tout devient plus simple, plus quotidien.
Letizia n’ose pas rentrer dans la maison, dans sa maison, elle a peur de ne pas la reconnaître, elle a peur de la trouver vide.
L’un après l’autre, tous sont morts, et le temps, clepsydre en main, les a enveloppés dans le manteau impérial, eux qui croyaient être l’éternité – Pourvu que ça dure, pourvu que ça dure – “ Les pertes, les privations, les fatigues, elle supportait tout. C’était une tête d’homme sur un corps de femme. Une femme des montagnes de Corse « , ainsi la décrivait Napoléon. Tout est parti d’elle, et tout lui est retourné, et la voilà dehors, dans ce jardin, qui de son temps, n’existait pas…
Elle ne trouve pas le courage, elle, qui en a eu à revendre, de franchir le seuil de la porte d’entrée.
L’Histoire est née là, dans cette portion de la rue Malerba (rue de la mauvaise herbe : ironie du sort!), de celle qui regardait par les fenêtres de l’immeuble, construit là où est maintenant le jardin. Letizia enfant, penchée à la fenêtre contemplait les Bonaparte et rêvait, charmée par ce séduisant jeune homme de dix-huit ans que l’on pouvait voir dans les pièces de la maison d’en face: Carlo…Carlo mio – Maman, nous y allons? – Va Elisa, va devant, et appelle tes frères : nous passons bientôt à table -.